Par Yann Rousseau, correspondant à Tokyo
Kem Sokha, le principal leader de l'opposition cambodgienne, a pu quitter, à l'aube ce lundi, sa cellule d'une prison isolée située près de la frontière vietnamienne.
Un an après avoir été arrêté, en septembre 2017, sous des motifs fallacieux, Kem Sokha, le principal leader de l'opposition cambodgienne, a pu quitter, à l'aube ce lundi, sa cellule d'une prison isolée située près de la frontière vietnamienne.
Kem Sokha « a été libéré sous caution pour des raisons médicales et avec de solides garanties qu'il ne se soustrairait pas à la procédure judiciaire », a précisé, dans un communiqué, le tribunal de Phnom Penh. La justice précise qu'une série de mesures ont été mises en place pour le surveiller jusqu'à son procès, où il pourrait être théoriquement condamné à une peine de 30 ans de prison.
Officiellement, l'ancien militant des droits de l'Homme âgé de 65 ans, devenu le leader du Parti du sauvetage national du Cambodge (Cambodia National Rescue Parti, CNRP), est toujours accusé de « trahison et espionnage » en lien notamment avec Washington. La justice cambodgienne, contrôlée par l'exécutif, affirme qu'il aurait tenté de fomenter, avec plusieurs « agents de l'étranger » infiltrés dans le pays, une forme de révolution de couleur afin de renverser Hun Sen, le Premier ministre au pouvoir depuis... 33 ans.
Dans les semaines qui avaient suivi ces accusations et son arrestation, le CNRP avait été dissous et plusieurs de ses élus avaient pris le chemin de l'exil, de peur d'être, à leur tour, jetés en prison comme Kem Sokha. Les ténors de la formation ainsi que d'autres personnalités de l'opposition n'avaient, dès lors, pas pris part aux élections législatives de juillet dernier, qui ont vu finalement le parti majoritaire, le PPC d'Hun Sen, emporter la totalité des sièges au Parlement .
Concessions
Si l'homme fort du régime dispose des pleins pouvoirs et a étouffé toute opposition, sa trop large victoire a braqué une partie de ses partenaires qui ont longtemps fermé les yeux sur ses dérives autoritaires. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont notamment dénoncé le cadre de la campagne électorale. Washington a même vu dans ces élections le « revers le plus cinglant » subi par la démocratie cambodgienne.
Selon les analystes, ces critiques pourraient avoir incité Hun Sen - qui peut toujours compter sur un soutien inconditionnel de Pékin - à faire quelques concessions, notamment en vue de sa participation dans les prochains jours à l'Assemblée générale de l'ONU à New York. Fin août, ses tribunaux avaient déjà libéré quelques opposants, emprisonnés depuis trois ans et également libéré, sous caution, des journalistes et une militante des droits de la Terre.