Au pouvoir depuis trente trois ans, le Premier ministre annonce avoir remporté l'ensemble des sièges au Parlement. Il était face à une opposition muselée.
Sans surprise, le parti au pouvoir du Premier ministre Hun Sen a annoncé, lundi, avoir «remporté l'ensemble des sièges» au Parlement, soit 125 au total, au lendemain d'élections législatives entièrement contrôlées par le régime en l'absence de la principale force d'opposition. Inamovible, le Premier ministre, au pouvoir depuis trente trois ans, détient à ce titre le record de longévité en Asie.
Dans les rues de la capitale, peu de gens acceptaient de s'exprimer. «Je prédis que la vie sera difficile pour les cinq années à venir», a relevé un vendeur de nourriture sous couvert d'anonymat. «Encore lui ! C'est désespérant», a soupiré un homme assis à la terrasse d'un café.
Opposition anéantie
Pour l'homme fort du Royaume, il n'était pas question de retrouver en 2018 la situation qu'il a connue en 2013 où les électeurs, notamment les jeunes et les ouvriers du textile, avaient massivement voté pour l'opposition . A cette époque, Sam Rainsy, fondateur du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), principale formation d'opposition, avait quitté la France où il était réfugié pour rentrer au pays faire campagne. Avec succès puisque son parti avait remporté 44% des sièges.
Cette année, l'atmosphère a bien changé car le scrutin s'est déroulé face à une opposition anéantie. Habitué des déclarations fracassantes et des phrases-choc, Hun Sen avait promis «l'enfer» à ses opposants, les invitant à «préparer leurs cercueils» en cas de contestation et assurant vouloir se maintenir au pouvoir «encore pour les deux prochains mandats».
Pour éviter la prison, Sam Rainsy a donc fui le Cambodge pour la France d'où il a appelé à la «résistance passive» et demandé à ses partisans de «boycotter» ce scrutin, qu'il qualifie de «farce électorale». Son suppléant, Kem Sokha, emprisonné, a été accusé d'avoir tenté de renverser le régime avec le soutien de Washington.
Pas moins de 80.000 policiers mobilisés
Plus encore en période électorale, Hun Sen est passé maître dans l'art de manier la carotte et le bâton. Dans un pays encore traumatisé par le régime des Khmers rouges, coupables dans les années 70 d'un génocide ayant fait près de deux millions de morts, il a pris l'habitude de distribuer des billets de banque en fin de meeting en se faisant appeler «Oncle».
Il a su tout autant créer un climat de peur et d'intimidation, mettant en garde depuis des mois contre toute velléité de révolution. La police est prête à «empêcher tout acte de terrorisme et de chaos politique», a prévenu Chuon Sovann, chef de la police de Phnom Penh. Dimanche, plus de 80.000 policiers ont été mobilisés.
L'ombre de la Chine
A tort ou à raison, Hun Sen a montré une nervosité démesurée pour ce scrutin, malgré le soutien affiché de la Chine. Pékin a envoyé ses «observateurs internationaux», alors que Washington et Bruxelles ont annulé toute aide à l'organisation du scrutin après la dissolution par la Cour suprême du CNRP fin 2017. Depuis plusieurs années, le régime de Phnom Penh est aligné sur celui de Pékin qui multiplie les largesses et laisse ses entreprises participer activement au boom immobiliser dans la capitale.
La question des sanctions
Toute la question aujourd'hui est de savoir comment «la communauté internationale va réagir». Les observateurs se demandent si des sanctions commerciales et financières vont être prononcées à l'encontre du régime qui a bénéficié d'immenses programmes d'aides au développement pour soutenir sa marche vers l'économie de marché. «Pour la première fois depuis les élections organisées par l'ONU en 1993, le Cambodge n'a plus de gouvernement légitime reconnu comme tel par la communauté internationale», a souligné Sam Rainsy depuis la France où il s'est exilé pour échapper à la prison.