Par Juliette Buchez, le 9/07/2018
Au Cambodge, le coup d’envoi de la campagne électorale a été donné samedi 7 juillet. Les Cambodgiens sont appelés aux urnes le 29 juillet pour les élections législatives. Grand favori à sa propre réélection, le Premier ministre en place, Hun Sen, cumule déjà 33 années à la tête du gouvernement.
C'est sur Koh Pich, l’île diamant, que le parti au pouvoir, le CPP, a lancé sa campagne pour les élections législatives. Il a célébré au passage ses 67 années d’existence. Le tout retransmis en direct par de nombreux médias nationaux. Environ 60 000 personnes étaient présentes sur place.
Ces milliers de Cambodgiens en moto, en voiture ou en tuktuk ont ensuite défilé dans la capitale et en province en agitant le drapeau du parti. Le CPP est au pouvoir depuis la chute du régime khmer rouge en 1979. Le parti se présente régulièrement comme le garant de la stabilité politique du Cambodge mais aussi de son développement économique.
Absence d'opposition
Une rhétorique présente dans le discours du Premier ministre samedi 7 juillet qui appelait à protéger les accomplissements du pays à tout prix et à empêcher toutes entités de les détruire. Face à ses supporters, Hun Sen s’est ainsi félicité une fois encore d’avoir empêché une « révolution de couleur » soutenue par le principal parti d’opposition et des nations étrangères.
Des accusations controversées qui ont mené à la dissolution du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) et à l’arrestation de son leader Kem Sokha en fin d’année dernière. Ces décisions ont attiré les critiques de plusieurs organisations et Etats occidentaux.
En tout, vingt partis sont candidats au vote des 8,3 millions électeurs enregistrés sur une population d’environ 16 millions de Cambodgiens. Mais beaucoup sont en fait des partis proches du CPP. Surtout, leur structure et leur nombre de supporters semblent très insuffisants par rapport au parti de la majorité. Face à la démonstration de force du CPP samedi, la Ligue pour la démocratie a réuni 15 000 personnes. 2 000 pour le parti royaliste Funcinpec.
Du côté des petits partis qui se décrivent comme une alternative à l’ancienne opposition, le Parti de la volonté khmère a attiré seulement 300 personnes, 200 pour le rassemblement du GDP, le Parti de la démocratie à la base. Les budgets de ces partis sont très inférieurs comparés à celui du CPP. Le parti du Premier ministre dit avoir débloqué un million de dollars pour faire campagne à sa réélection quand un parti comme le GDP déclare 70 000 dollars de budget.
La réélection du Premier ministre fort probable
C’est la légitimité du scrutin qui est en jeu pour le gouvernement. Avec la dissolution du CNRP, près de la moitié des Cambodgiens ont perdu le parti qu’ils soutenaient. Celui-ci avait remporté 43,8 % des voix aux élections communales de juin 2017. Par ailleurs, le paysage médiatique du pays a été largement entamé avec la fermeture d’une trentaine de radios et du quotidien indépendant Cambodia Daily en septembre, ou le rachat soudain et critiqué du Phnom Penh Post en mai.
Sur les réseaux sociaux, les arrestations pour des posts jugés séditieux ou injurieux à l’égard du gouvernement ou du roi se sont multipliées. La semaine dernière, un décret sur les « fake news » aux contours bien flous a été annoncé.
Vers des sanctions de l'UE ?
Dans ce contexte, plusieurs organisations internationales et Etats ont retiré leur aide à l’organisation du scrutin ou refusent d’envoyer des observateurs. Et ces critiques pourraient mener à des sanctions européennes. Alors que la campagne vient de commencer, une mission d’observation de l’Union européenne est arrivée la semaine dernière. Elle doit évaluer la situation du pays vis-à-vis des accords préférentiels « tous sauf des armes » qui exonèrent de droits de douanes les produits importés par des pays en voie de développement.
Alors que le Cambodge se repose de plus en plus sur le soutien politique et économique de la Chine, premier investisseur dans le pays, 40 % des biens exportés cambodgiens sont à destination de l’Europe, contre 6 % pour la Chine. Si des violations des droits de l’homme sont constatées dans le cadre de la mission européenne, l’accord peut être suspendu temporairement ou définitivement. Mais il est peu probable qu’une décision soit prise avant les élections.