Chers amis,
Une nouvelle semaine qui vient de s'écouler, de façon bien particulière car nous avions cette semaine trois jours fériés (mardi, mercredi et jeudi) en raison de la fête de Pchum Ben. Cette fête est consacrée à la mémoire des défunts, et l'Église catholique fait habituellement ici la célébration de la commémoration des fidèles défunts (normalement le 2/11) le même jour que Pchum Ben (qui change chaque année car le calendrier des fêtes bouddhiques et traditionnelles est un calendrier lunaire).
Cette année, tous les grands rassemblements ont été interdits, et l'évêque a décidé que cette commémoration des fidèles défunts sera reportée au dernier dimanche d'octobre. Espérons que la situation sanitaire le permettra. Depuis le changement de calcul du nombre de nouveaux cas, les chiffres restent relativement stables, autour de 200 nouveaux cas quotidiens... Mais même si la presse (qui ne peut pas se permettre la moindre critique contre le pouvoir) fait semblant de croire que la situation s'améliore, la principale conséquence de ce changement dans la communication officielle c'est que plus personne ne croit les chiffres officiels (déjà hautement sujets à cautions, cf. mon précédent article). Le dernier chiffre à peu près "fiable" reste celui des décès qui concernent les personnes hospitalisées après avoir été testées positives : nous en sommes toujours à une quinzaine par jour en moyenne, alors que nous n'avons officiellement que 200 nouvelles contaminations par jour...
En fait, j'ai l'impression que le premier ministre raconte un conte de fée que tout le monde fait semblant de croire, ou plutôt que tout le monde veut croire parce que tout le monde en a marre et veut un retour à la normale... et je ne suis pas loin d'être comme tout le monde ! Donc si demain le gouvernement nous autorise à réouvrir largement nos lieux de culte, on le ferra avec joie, avec masques et désinfection des mains ! J'ai 20 litres d'alcool et 10.000 masques en stock !
Publication du rapport de la CIASE et réaction
La semaine a aussi été marquée pour moi, comme pour beaucoup d'entre vous sans doute, par la publication en France mardi du rapport final de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l'Église). Je vais m'attarder un peu sur tout cela.
Ce rapport indépendant (dont vous pouvez retrouver l'intégralité ici), voulu par les évêques, est accablant : la commission estime que sur la période 1950-2020 ce sont plus de 300.000 enfants qui ont été victimes d'agressions sexuelles au sein de l'Église catholique (soit plus de 10 par jour...), essentiellement par des membres du clergé, ainsi que par des laïcs salariés ou bénévoles. Le drame de ces crimes est encore rendu plus douloureux par le fait que la commission a identifié un véritable système pervers de l'institution qui, pendant des décennies, n'a pas écouté les victimes et a cherché à protéger les criminels et à ne pas les maintenir dans leur sacerdoce. Pour celles et ceux qui sont un peu au fait de ces questions, ce n'est malheureusement pas une surprise. Des prêtres abuseurs et violeurs (et ça fait mal de devoir associer ces mots dans la même phrase) ont ainsi pu, quasiment en toute impunité, perpétrer leurs crimes immondes sur des dizaines de victimes, avec, selon les cas, la bénédiction, la complicité ou l'aveuglement de leur hiérarchie. Que des évêques aient pu ainsi déplacer des prêtres de paroisses en paroisses, parfois pendant toute leur carrière, parce qu'il y avait "des problèmes" est aujourd'hui totalement incompréhensible.
J'ai regardé la remise du rapport, avec les prises de parole de Jean-Marc Sauvé, de Mgr Éric de Moulins-Beaufort et de Sr Véronique Margron avec un mélange de douleur, de honte et de colère. Oui, mon Église me fait honte, et le mot n'est pas assez fort. Je comprends tout à fait qu'à la lumière de ces découvertes, on puisse avoir de la haine et du ressentiment pour cette institution qui a eu, et a peut-être encore, toute une partie de pourriture en son sein. Contre la gangrène, il faut amputer, et j'espère que nos évêques comprennent que la "radicalité" évangélique ne doit pas être qu'une jolie expression : même si Dieu a une miséricorde infinie pour tous, y compris pour les plus grands pécheurs et criminels, l'Église doit protéger ses enfants contre les dangers, et mettre les prédateurs hors d'état de nuire, en les livrant au bras séculier. Il n'y a pas, il n'y a plus, à tergiverser. On a l'impression que l'Église a été tellement aveugle et faible qu'elle a laissé comme une mafia pédophile s'insinuer en elle et proliférer à l'abris de ses murs, au point que des pédophiles ont pu accéder à des postes élevés dans la hiérarchie, être aussi professeurs de séminaires, ou bénéficier de protections en haut lieu. Il va falloir faire le ménage...
Je suis aussi très choqué et peiné quand je lis des prises de paroles de membres du clergé ou de laïcs qui voudraient relativiser, excuser, et cherchent à atténuer le choc... Mais sont-ils à ce point des pharisiens aveugles et hypocrites ? En quoi le fait, par exemple, qu'il y ait plus de pédophiles en dehors de l'Église viendrait en quoi que ce soit atténuer la gravité des crimes commis à l'intérieur de l'Église ? Devrions-nous nous réjouir parce que nous ne sommes pas pires (si tant est que ce soit vrai) ? N'y aurait-il qu'un seul prêtre pédophile que ce serait déjà de trop. En quoi le fait que nombre de ces crimes soient anciens et prescrits par la justice viendrait en quoi que ce soit en atténuer la gravité ? L'Église a failli gravement dans sa mission, point barre, et elle n'a aucune excuse. Benoît XVI, qui a sans doute été lui-même effrayé par l'ampleur de la tâche, le disait bien : ce ne sont pas les attaques extérieures qui fragilisent l'Église, mais c'est le péché à l'intérieur. Une partie des murs, et des fondations, de la bâtisse sont pourris, infectés, rongés par les vers : fermer les yeux et regarder ailleurs ne les fera pas partir. Oui, la vérité rend libre (cf. Jn 8,32), mais encore faut-il la regarder en face, l'accueillir et agir en conséquence. C'est ce travail qui a été commencé par la CIASE et qu'il appartient à l'Église toute entière de poursuivre. Ce sont tous les baptisés qui doivent pouvoir prendre part à cette démarche. La CIASE a fait 45 propositions qui, pour certaines, viennent bousculer profondément certaines pratiques, et posent aussi, pour d'autres, de vraies questions théologiques. Il faudra aussi que le Saint-Père se saisisse de ces propositions, car cela dépasse la seule Église catholique qui est en France.
Spirituellement, et parce que moi aussi, je suis prêtre, je suis hanté par le fait que ces criminels aient pu ainsi continuer à célébrer les sacrements... cela vient parfois me troubler, au coeur de la célébration eucharistique... À chaque fois qu'un prêtre criminel célèbre un sacrement, c'est pour moi purement et simplement une profanation des sacrements et un péché contre l'Esprit Saint.
Par ailleurs, et parce que l'espérance et la foi sont plus fortes que les ombres du péché et de la mort, je veux rendre grâce au Seigneur d'être prêtre de cette Église catholique de France du XXIe siècle, cette Église de France et ces évêques qui ont eu le courage de créer cette commission et de lui permettre de faire ce travail douloureux et nécessaire. Je rends grâce aussi pour Jean-Marc Sauvé et tous les membres de la commission, et je leur suis reconnaissant pour tout ce travail réalisé, et parfois, j'imagine, si difficile. Après des décennies de politique de l'autruche, de poussière méticuleusement glissée sous le tapis, la publication de ce rapport est une formidable occasion de progrès pour toute l'Église, et l'engagement, l'action, et sans doute aussi dans certains cas, la pression de tous les baptisés seront nécessaires pour faire évoluer les choses dans le bon sens. C'est sans doute cette pression exercée sur l'Église par des fidèles, par des victimes, des associations,... qui a rendu cette ouverture à la vérité possible. Je veux croire que la même Conférence des Évêques de France, qui a permis la réalisation et la publication de ce rapport, saura poursuivre l'oeuvre de purification dont notre Église a besoin, avec et pour tous les fidèles, en particulier les plus petits et les plus fragiles. Il en va de notre crédibilité et de notre fidélité à l'Évangile, il en va du sens même de notre existence.
Activités pastorales
Il y a eu peu d'activité cette semaine, mais j'ai eu quand même une nouvelle rencontre de préparation au mariage pour un couple. Je célébrerai leur mariage le 12 novembre prochain. Dans le village d'Areyksat, nous avons eu quelques cas de Covid 19, notamment des voisines des religieuses... Par peur de la contamination, les soeurs ont décidé de s'isoler dans leur maison pendant une semaine. Elles ne voulaient pas risquer de propager le virus, et de me contaminer. J'ai donc célébré la messe avec seulement deux frères de La Salle.
En cette période de Pchum Ben, nous faisons habituellement des distributions d'aide alimentaire auprès des familles les plus défavorisées de notre secteur. Dans les semaines à venir nous le ferons "en porte à porte" à Areyksat, et en invitant les familles à venir à l'église pour le secteur de Po Thom, Kdey Kandal et Tasko.
Situation de l'épidémie de Covid-19
Comme je l'ai déjà écrit, nous ne savons plus vraiment où nous en sommes concernant les chiffres de l'épidémie de Covid-19 au Cambodge. Du jour au lendemain, le Ministère n'a plus communiqué que les chiffres concernant les tests PCR positifs. Donc on voit un réel décrochage... mais dont on ne sait pas ce qu'il recouvre en réalité. Ce qui ne diminue pas, c'est le nombre des décès, lui aussi probablement sous-évalué.
Voilà en tout cas les chiffres officiels au 10 octobre 2021 :
- nouveaux cas détectés ce jour : 258 (total de cas cumulés : 115.068) et 1.593 nouveaux cas en une semaine. À noter que ce chiffre de 258 est le plus élevé depuis l'instauration du nouveau mode de calcul...
- nouveaux décès : 21 (total de décès : 2.527) et 121 nouveaux décès cette semaine
- nouveaux guéris : 546 (total des guéris : 108.403) et 3.538 nouveaux guéris en une semaine
- nombre de cas actifs en cours : 4.131 (courbe bleu ciel avec points)
Pour ce qui est de la vaccination, voilà les chiffres officiels en date du 10 octobre.
- Chez les plus de 18 ans (objectif que le gouvernement c'était initialement fixé : 10 millions d'adultes vaccinés) :
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- 9.919.911 personnes ont reçu une première dose
- 9.535.816 personnes ont reçu deux doses
- 923.259 personnes ont reçu trois doses
- Chez les 12-18 ans (campagne de vaccination commencée le 1er août, avec pour objectif 2 millions de jeunes vaccinés) :
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- 1.766.482 personnes ont reçu une première dose
- 1.643.606 personnes ont reçu deux doses
- Chez les 6-12 ans :
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- 1.806.013 personnes ont reçu une première dose
- 319.095 personnes ont reçu deux doses
Voilà pour aujourd'hui... Bonne semaine et à lundi prochain !
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