Chers amis,
Au lendemain du dimanche de "Laetare" (4e dimanche de Carême, qu'on appelle ainsi en raison du 1er mot de l'antienne d'ouverture latine de la messe : "Réjouissez-vous"), et à 20 jours de la fête de Pâques, je vous retrouve pour vous partager quelques nouvelles.
Comme d'habitude, j'ai passé les journées du lundi et du mardi à Phnom Penh, à la paroisse St Joseph, avant de rejoindre Areyksat le mercredi. Jeudi matin, nous avons appris que suite à la découverte de quelques cas de Covid 19 sur le secteur d'Areyksat et Po Thom, toutes les actvités des pagodes, des églises, des clubs de sport... devaient être interrompues jusqu'à nouvel ordre. Nous ne pouvons donc plus avoir ni messes publiques, ni catéchèse, et dire que je venais d'acheter 20 litres de liquide désinfectant pour les mains !
Évolution du Covid 19 au Cambodge
Depuis le 20 février, nous assistons à une accélération sans précédent au Cambodge, et les gens sont très inquiets, car ils savent bien que si l'épidémie devient hors contrôle, elle sera très grave. Aussi, le Ministère de la Santé poursuit sa politique très stricte : tout cas diagnostiqué, qu'il soit symptomatique ou non, est mis à l'isolement pendant deux semaines au moins, et n'est "libéré" qu'après un test PCR négatif. Suivant la gravité des cas, les personnes sont soit hospitalisées, soit accueillies en centres de quarantaine. À cet effet, un hôtel vide a été transformé ces derniers jours en centre de quarantaine pour venir compléter le dispositif existant.
En date du dimanche 14 mars, la situation était la suivante :
- nouveaux cas détectés ce jour : 20 (total de cas cumulés : 1325 = courbe orange ci-dessu)
- nouveaux décès : 0 (total de décès : 1)
- nouveaux guéris : 83 (total des guéris : 730 = courbe jaune ci-dessus)
- nombre de cas actifs en cours : 592 (courbe bleu ciel ci-dessus)
On note une inflexion de la courbe des cas actifs depuis hier... nous verrons bien si la tendance se poursuit.
Pour le moment, nous sommes donc face à l'inconnu le plus total concernant la reprise de nos activités paroissiales, et nous sommes suspendus à l'évolution de la situation. Lors d'une réunion au niveau de la mairie d'Areyksat, les responsables ont voulu afficher une très grande sévérité : il nous a été dit que si jamais l'épidémie devait toucher le "village vietnamien" d'Areyksat (où sont les chrétiens et l'église), le quartier serait bouclé, avec interdiction d'entrer ou de sortir, et que si les gens n'avaient pas de quoi manger, ce n'était pas le problème des autorités, ils n'auront qu'à s'en prendre qu'à eux-mêmes et à se débrouiller... Discours totalement inimaginable dans un pays respectueux des droits de l'homme comme la France, mais qui ici semble tout à fait normal pour ces petits chefs locaux (ils ne sont pas élus, mais nommés par le parti au pouvoir), d'autant plus que nombreux sont les habitants de ce quartier qui sont sans-papiers. Espérons que nous n'en arriverons pas là... Ceci dit, la possibilité matérielle de boucler un quartier qui est au bord d'un fleuve, et où il y a de nombreuses embarcations, me semble hautement impossible !
Nous espérons que la politique très stricte du gouvernement (à cet effet, une nouvelle loi vient d'être votée qui prévoit notamment des peines d'emprisonnement pour les personnes qui s'échapperaient des lieux de quarantaine), ainsi que la campagne de vaccination qui a débuté, nous permette de voir une évolution favorable de la situation.
Pastorale...
Les activités pastorales sont donc toutes suspendues. Je continue à célébrer la messe chaque jour, comme nous l'avions déjà fait avant, dans l'église d'Areyksat fermée avec juste les religieuses et religieux du secteur (6 ou 7 personnes suivant les jours), avec masques, désinfection des mains et distanciation. Le catéchumène que je dois baptiser à Pâques n'est pas venu hier pour vivre le 2e scrutin... J'espère que nous aurons la possibilité de célébrer son baptême, ne serait-ce qu'en tout petit groupe. Nous mettons à profit les réseaux sociaux, et notamment Facebook qui est très utilisé ici : les diffusions en direct de la messe quotidienne ont reprises, et j'ai partagé les images et textes d'un Chemin de croix, pour permettre aux fidèles de prier chez eux. Les textes des lectures de chaque jour sont aussi partagés sur Facebook.
Les fermetures des églises ne sont pas générales, mais au cas par cas, suivant les détections de cas de Covid à proximité, ou bien si ce sont des lieux qui "brassent" beaucoup de monde. À ce jour, plusieurs lieux sont fermés à Phnom Penh, Sihanoukville, dans mon secteur, et vers la frontière sud avec le Vietnam.
Du côté de la communauté catholique francophone, j'ai maintenu hier la catéchèse et la messe, car elles ne concernent que des petits groupes, où il est facile de respecter les gestes barrières. Mais j'ai une famille qui refuse désormais d'envoyer ses enfants à la catéchèse et à l'aumônerie, par peur de la contagion. J'ai eu beau expliquer que le taux d'incidence au Cambodge est d'environ 7 pour 100.000, alors qu'il est à plus de 200 en France, cela n'y a rien fait. C'est la difficulté de devoir aider les personnes à prendre la juste mesure de l'épidémie, pour être responsables et prudents, sans tomber dans la panique et arrêter de vivre. J'imagine que pour vous qui me lisez depuis la France, je ne vous apprends rien !
Voilà où nous en sommes. Vous imaginez bien à quel point cette situation est frustrante, surtout à quelques jours de la Semaine Sainte, dont nous ne savons absolument pas si et comment nous allons pouvoir la célébrer. Mercredi matin, nous aurons une réunion en ligne des prêtres du diocèse avec l'évêque, qui nous a déjà annoncé qu'il célébrera la Messe chrismale sans nous, pour la deuxième année consécutive. Peut-être que si la situation s'améliore, il reviendra sur sa décision. Je l'espère, car la Messe chrismale est un temps important pour moi, qui permet de retrouver les confrères, ce qui est important notamment dans cette période où nous sommes assez isolés les uns des autres.
Bonne semaine à vous, et à la semaine prochaine.
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