Chers amis,
En ce 2 novembre, jour où l'Église catholique fait mémoire des défunts, je viens vous rejoindre pour vous donner quelques nouvelles.
Tout d'abord, pas de Commémoration des Fidèles défunts aujourd'hui dans l'Église du Cambodge puisque, comme je l'ai déjà expliqué, cette commémoration a été déplacée avec l'aval de Rome à la date de la fête cambodgienne de Pchum Ben (fin septembre, début octobre, suivant un calendrier lunaire). Un avantage non négligeable, c'est que nous avons moins le risque ici de "mélanger" la Toussaint et la Commémoration des Défunts. Parfois en France, la Solennité de Tous les Saints est un peu "étouffée" par la "fête des morts"... alors quand en plus tout cela est pollué par Halloween ! Je me suis toujours interrogé sur la valeur éducative d'une tradition qui amène des enfants à "racketter" leur voisins à coup de "des bonbons ou un sort" ! Ou comment apprendre aux enfants à menacer et à maudire ! Heureusement, le Cambodge n'a pas encore été pollué par ce sous-produit de la "culture" américaine, malgré quelques tentatives mercantiles. Vous le comprenez, je ne suis vraiment pas fan d'Halloween... j'espère que vous m'autoriserez cette liberté !
Démarches administratives...
Pour pouvoir rester au Cambodge, il faut avoir un visa valide. Comme prêtre, je bénéficie d'un visa de travail, renouvelé par le biais de l'évêché. Comme l'an dernier, j'ai déposé mon passeport pour pouvoir obtenir le renouvellement de mon visa... mais je n'avais pas réalisé que mon passeport n'est valide que jusqu'en juillet 2021... et donc l'administration cambodgienne a refusé de m'accorder un renouvellement de visa d'un an (qui aurait excédé la validité de mon passeport), ou même de 6 mois. Ils ne m'ont accordé qu'un visa d'un mois, le temps pour moi de me faire refaire un nouveau passeport auprès de l'ambassade de France, sachant que l'obtention d'un nouveau passeport peut demander 3 semaines... Ça va être chaud ! J'ai pris rendez-vous au Consulat de France, et j'ai fait ma demande... maintenant il faut attendre que l'Imprimerie nationale en France fabrique mon passeport, et que la valise diplomatique le rapporte à Phnom Penh (il y a une valise tous les 15 jours)... je croise les doigts. Une fois mon nouveau passeport en poche, retour à la case "renouvellement de visa", cette fois pour un an j'espère !
Préparation au mariage, confessions, prières...
Je poursuis mon travail de traduction concernant la préparation au mariage, et j'ai eu vendredi ma deuxième rencontre avec les trois couples que je prépare. Ils sembles très intéressés, j'espère que cela va les aider.
Un autre élément important de ma semaine a été les temps de confessions, en préparation de la fête de la Toussaint. Entre Areyksat et Po Thom, j'ai dû passer près de 3h à confesser, mais cela n'a pas été suffisant, et il va falloir continuer cette semaine. Il faut dire aussi qu'avec les règles concernant la Caovid19, les habitudes ont été bouleversées, et que c'est seulement maintenant qu'ici nous pouvons reprendre presque comme avant. D'ailleurs, en ce qui concerne l'épidémie, elle est toujours sous contrôle au Cambodge, avec jusqu'à présent 292 cas. Les derniers en date sont des cas détectés à l'aéroport chez des passagers en provenance de l'étranger, ce qui a aboutit au confinement stricte pendant 14 jours de tous les passagers de 2 vols.
Samedi soir, à l'église de Po Thom, les jeunes ont organisé leur prière de Taizé mensuelle, la première avec la nouvelle croix (photo ci-dessous). Vous pouvez constater qu'ils prennent un soin tout particulier pour la décoration.
La semaine dernière, les jeunes et paroissiens d'Areyksat n'étaient pas en reste, avec une très belle prière de Taizé là aussi, avec une décoration non pas aux couleurs de la France, mais aux couleurs du Jésus de la Divine Miséricorde !
Baptêmes...
Ma matinée d'hier a été bien occupée... Levé à 5h30, permanence de confessions de 6h20 à 6h55, messe à 7h00 à Areyksat, puis messe à 8h30 à Po Thom au cours de laquelle j'ai baptisé trois enfants de 1 an, 4 mois et 1 mois : Maria, Jean et Jean (cf. photo en en-tête de cet article). Une belle façon de célébrer la Solennité de Tous les Saints et de nous rappeler que par notre baptême nous avons commencé notre chemin vers la sainteté, à laquelle nous sommes tous appelés !
En communion avec la France... et quelques réflexions sur les derniers événements
Même s'il y a dix mille kilomètres entre Phnom Penh et Paris, la distance n'empêche pas de suivre les informations et d'être solidaire de ce que doivent affronter la famille, les amis et tous les habitants de France. Je suis de tout cœur avec vous qui lisez ces lignes et qui vivez dans ce beau pays de France, confronté en ce moment à la fois à la violence islamiste, et au rebond de l'épidémie de Covid19.
Le Pape François dans sa dernière encyclique veut rappeler l'urgence de la fraternité... Une fraternité qui invite à se faire proche, à respecter et protéger celui qui en a besoin. "Liberté, Égalité, Fraternité", telle est la devise de la République française. On a beaucoup entendu scandé "Liberté" ces derniers mois et ces dernières années, mais les trois éléments de notre devise sont là pour s'équilibrer les uns les autres, sans en privilégié aucun par rapport aux autres. J'avais appris il y a longtemps que ma liberté individuelle était conditionnée par celle des autres. Si on ne défend que la liberté seule, c'est la loi de la jungle.
Tous ces événements posent beaucoup de questions... Comment être frère si je tue par conviction religieuse ? Comment être frère si je ne respecte pas la liberté de penser de mon voisin ? Comment être frère si, pendant une épidémie, j'ai un comportement risqué et irresponsable, au risque de me faire le vecteur d'un virus et de mettre en danger la vie des autres, plus fragiles que moi ? Comment être frère si dans la société je ne suis pas traité à égalité ? Comment être frère si je me permets de ridiculiser et d'insulter ce qui est au plus intime des convictions religieuses de mon voisin ?
On ne doit pas tuer pour une caricature, c'est évident, mais je ne vois pas comment on peut construire un avenir de paix et de fraternité sur la caricature, l'insulte et l'irrespect de l'autre. Aujourd'hui des Catholiques, par ailleurs régulièrement insultés et ridiculisés par Charlie Hebdo, depuis des années (la caricature des Cathos, des papes,... fait partie du fond de commerce de Charlie), payent de leur vie l'irresponsabilité d'une rédaction qui s'entête à agiter un chiffon rouge devant un taureau enragé, soutenue par un président qui a perdu tout sens de la mesure et des valeurs de la République, en oubliant les deux tiers de notre devise républicaine. Partout le principe de précaution semble prévaloir, sauf quand il s'agit d'éviter d'exciter les extrémistes et d'amener le malheur sur la France. Visiblement aujourd'hui pour nos "élites" politiques françaises, il n'y a plus qu'un seul truc de sacré en France, et ce n'est surtout pas la vie humaine (de sa conception à sa mort naturelle) : c'est Charlie Hebdo ! Je ne "suis" pas Charlie, et je ne l'ai jamais été, car l'insulte, l'humour douteux, la vulgarité et la caricature ne font pas partie de mes valeurs d'amour, de respect, de dialogue et d'ouverture à la rencontre de l'autre dans sa différence. Quand je caricature et insulte l'autre (et ce qui est sacré pour lui), je ne permet ni le dialogue, ni la rencontre, ni la paix. C'est dur de discuter sereinement avec quelqu'un quand il commence par vous cracher au visage ! Et comment espérer faire évoluer les mentalités en agressant psychologiquement les gens ? Face à une agression psychologique, il y a des gens un peu fragile dans leur tête qui ne savent pas réagir sur le même plan, ils en "viennent aux mains" et répondent à la violence psychologique par une violence physique, ce n'est pas nouveau. Sans compter tous ceux pour qui la violence au nom de l'Islam n'est que la justification fallacieuse de leur intime perversité.
Une fois de plus, la France devrait arrêter de se contempler le nombril et de se croire le centre du monde, et regarder comment vivent les autres pays (ne serait-ce que dans la sphère francophone, regardons le Canada, la Belgique, la Suisse...). La France est un pays magnifique, et c'est une chance et un privilège d'être Français... mais l'orgueil français fait courir un grave danger à notre pays : un peu d'humilité ne peut jamais faire de mal. Il nous faut donc tenir d'abord, bien sûr, la valeur suprême de la vie, et que rien ne peut justifier de prendre la vie d'un autre être humain (sauf en cas de légitime défense), et surtout pas une opinion ou un dessin, fût-il vulgaire, insultant et laid comme le sont les caricatures. Et il nous faut aussi promouvoir une véritable société de recherche de la paix et de l'harmonie, qui passe par le respect de l'autre et de ces convictions. Bien sûr, l'Islam a un travail énorme à faire dans ce domaine, et il est grand temps que les autorités de cette religion s'attellent sans ambiguïté à cette tâche, mais l'Occident doit aussi savoir se remettre en question, pour servir le bien commun et la paix mondiale. Le temps de la colonisation est terminé depuis longtemps, et la France doit réaliser qu'elle n'est pas au-dessus des autres nations. Comme dans un couple, l'important n'est peut-être plus tant de savoir qui aura le dernier mot : l'important c'est de s'asseoir, de se parler et de se respecter, pour vivre en paix les uns avec les autres, quitte à faire quelques concessions quant à ma liberté individuelle.
Bon courage à tous, notamment en France, dans ce contexte si particulier des attaques islamistes et du confinement qui recommence, et à la semaine prochaine.