"Alléluia ! Le Christ est ressuscité !"
Chers amis,
Voilà une bien étrange Semaine Sainte qui vient de se terminer hier par la fête de Pâques... Une Semaine Sainte en tout petit comité, dans l'incertitude de l'avenir et avec des conditions qui ont changé presque tous les jours. Une Semaine Sainte difficile, mais comme je l'ai entendu quelque part sur internet, la première Semaine Sainte aussi n'avait pas été facile pour Jésus et ses disciples !!!
Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-contre, la situation est sans commune mesure au Cambodge et en France. Nous n'avons eu à ce jour que 122 cas diagnostiqués, dont 77 sont à ce jour guéris, et aucun décès.
Des mesures drastiques prises par le Gouvernement
Le Gouvernement prend des mesures radicales pour empêcher l'épidémie, sans complètement confiner les gens et risquer de mettre le pays à l'arrêt, ce que son économie aurait du mal à supporter, et cela semble plutôt fonctionner. La loi sur l'état d'urgence est prête (et elle inquiète plusieurs ONG de défense des droits humains, car elles estiment que cette loi donnerait trop de pouvoir à l'exécutif, sans suffisamment de mécanismes de contrôle par le parlement), mais pas encore appliquée.
Ce qui a été décidé récemment, c'est la suppression des 4 jours fériés que nous aurions normalement dû avoir du 13 au 16 avril, pour célébrer le Nouvel An khmer. Le Gouvernement a précisé que quand la situation le permettrait, il y aurait 5 jours fériés supplémentaires en compensation. Il faut dire que de nombreux Cambodgiens n'ont pas de congés payés, et que les jours fériés sont leurs seules occasions pour se retrouver en famille, notamment pour le Nouvel An qui est peut-être la plus grande fête de l'année. Les déplacements de la population ont aussi été limités : il est interdit de changer de provinces (le Cambodge est découpé en 24 provinces, plus ou moins l'équivalent des départements français), sauf entre les deux provinces de la capitale Phnom Penh et celle de Kandal. En effet, la ville de Phnom Penh est enchâssée dans la province de Kandal, et nombreux sont les travailleurs de la capitale qui habitent dans cette province. En ce qui me concerne, je passe normalement la moitié de chaque semaine dans une province, et l'autre moitié dans l'autre province, puisque Po Thom et Areyksat se trouvent dans la province de Kandal.
Le Gouvernement sait manier la carotte et le bâton : on vous enlève 4 jours fériés, mais on vous en donnera 5 plus tard... par contre, toute personne qui quittera sont poste pendant la période du Nouvel An, et parviendrait à se déplacer d'une province à une autre, sera à son retour placée en quarantaine pendant 14 jours, sans salaire... Le jour de l'annonce de la fermeture des frontières provinciales, qui était fixée à minuit, de longues files de véhicules se sont formées sur les routes de sortie de la ville de Phnom Penh pour quitter la ville... espérons que cela n'aura pas contribué à dispersé le virus.
Semaine Sainte...
Quand on voit la situation en France, en Italie ou aux États-Unis, on comprends l'importance des mesures de confinement et de distanciation sociale, mais c'est un peu plus difficile à comprendre pour certaines personnes ici, qui ont l'impression qu'on prend des mesures trop radicales, alors qu'il y a très peu de cas ici. Il est vrai que certaines organisations semblent un peu paniquer : des volontaires d'une ONG française au Cambodge ont été contraint de quitter le pays et de se confiner à Bangkok... alors qu'il y a beaucoup plus de cas de Covid-19 en Thaïlande qu'au Cambodge ! On voit par là qu'il est parfois difficile de prendre des décisions depuis Paris, sans prendre le temps d'écouter les volontaires de terrain, qui connaissent pourtant mieux la situation...
Dans certaines paroisses, des fidèles ne comprennent pas pourquoi ils ne doivent plus venir à l'église, et certains de mes confrères ont du mal à dire "non" à leurs ouailles... L'évêque a été obligé de "hausser le ton" par messagerie interposée pour rappeler que la loi civile doit être respectée. Alors que le Gouvernement nous a interdit les rassemblements dans nos églises, il a fallut un peu de temps dans certains lieux pour que cela soit bien respecté, ce qui est le cas désormais. L'Église se doit d'être exemplaire, surtout dans un pays où elle est ultra-minoritaire, pour ne pas s'attirer des problèmes.
Dans le village d'Areyksat, les autorités sanitaires ont désinfecté les rues plusieurs fois, à l'aide d'un produit à base de chlore, semble-t-il, à en sentir l'odeur. Hier, la désinfection a été poussée jusqu'à l'intérieur des habitations et de l'église... mesure un peu étonnante que de désinfecter un bâtiment qui est vide depuis 3 semaines... J'ai quitté Areyksat le jour des Rameaux, et je n'y suis pas retourné depuis, l'évêque nous ayant demandé de circuler le moins possible. Il est plus simple pour moi de rester à St Joseph, puisque je ne peux de tout façon pas exercer mon ministère actuellement... Chaque jour, un office est retransmis en direct sur internet, et les fidèles peuvent s'y unir par la prière, comme sans doute c'est le cas dans de nombreux foyers chrétiens aujourd'hui dans le monde. Personnellement, j'ai concélébré les offices de la Semaine Sainte avec le curé de la paroisse ici, en portant dans ma prière les fidèles de mes paroisses.
Hier, j'étais à 70 jours piles de mon retour en France pour mon congé... Si tout va bien je devrai atterrir à Paris le 22 juin prochain... J'espère que ce sera possible, car cela voudra dire que la situation aura bien évolué. Mais il y a tellement de paramètres en jeu (situation en France, situation au Cambodge, fonctionnement des lignes aériennes,...) que j'avoue ne plus vraiment savoir quoi penser...
J'occupe mes journées avec des activités "d'intérieur" (lecture, films, séries,...). La prière en cette Semaine Sainte particulière a été aussi une part importante de mon emploi du temps. Paradoxalement, et vous l'avez peut-être aussi expérimenté, le fait d'avoir un agenda quasiment vide ne rend pas forcément toujours l'organisation personnelle plus simple... le combat continue !
Bon courage à chacune et à chacun, et à la semaine prochaine !