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#046 Lundi matin 05/08/2019

Vue de l'église d'Areyksat depuis le bac qui traverse le Mékong, ce matin au levé du soleil.
Vue de l'église d'Areyksat depuis le bac qui traverse le Mékong, ce matin au levé du soleil.

Chers amis,

 

Habituellement, m'installer devant mon ordinateur le lundi matin pour rédiger ces quelques lignes est la première chose que je fais après mon réveil. Ce matin, il n'en est rien ! En effet, avant de pouvoir vous rejoindre, j'ai célébré pour la première fois une sépulture ici, à 7h, à Areyksat. Comme j'étais revenu à Phnom Penh hier après-midi, pour dîner avec des amis, cela m'a donné l'opportunité de traverser le Mékong ce matin très tôt (6h15) et de vous partager cette photo.

 

À l'heure qu'il est, je devrai normalement me trouver avec mon professeur de khmer, mais cette semaine il est de surveillance pour les épreuves du Bac. Il est professeur de français au lycée.

 

Baptêmes, funérailles, mariages... une vie de paroisse

Cette semaine a été riche en activités, notamment du point de vue des célébrations. En effet, depuis presque 2 mois il n'y a pas eu de célébrations de baptême dans les paroisses dont je m'occupe, et plusieurs couples attendaient de pouvoir faire baptiser leur nouveau-né. C'est ainsi que sur Po Thom, j'ai déjà célébré 3 baptêmes (dans cette paroisse, les baptêmes sont pendant les messes dominicales) et que sur Areyksat, j'ai célébré samedi dernier 6 baptêmes au cours d'une célébration commune. Ce qui est particulier, c'est que de nombreux parents ne savent ni lire ni écrire, et qu'ils ne savent pas signer. Pour les préparer à la célébration, on se retrouve une demi-heure avant, on explique le déroulement et le sens du sacrement du baptême, puis pendant la célébration, je dois leur redire les réponses qu'ils doivent faire. Plein de zèle, j'avais préparé un petit feuillet, mais qui ne sert à rien car ils ne peuvent pas le lire ! Pour la signature sur les registres, on remplace cela par l'apposition de l'emprunte digitale (il ne faut donc pas oublier, en plus du registre et du stylo, de prendre le tampon encreur !).

 

J'ai compris que ces 6 baptêmes n'étaient que le début, et qu'il allait faire des célébrations 6 par 6 plusieurs samedis de suite pour "rattraper le retard". Ce qui change pas mal par rapport à la France, c'est que les enfants qui sont présentés au baptême sont des nourrissons, parfois à peine 1 mois. Ici, on attend pas des mois ou des années pour faire baptiser son enfant : c'est le plus tôt possible, à la fois par conviction, et en raison des conditions de vie difficile qui font qu'il y a un taux élevé de mortalité infantile. Le taux de mortalité infantile est le nombre d'enfants qui décèdent avant l'âge de 1 an. En 2016, il était de 3,8 pour 1000 en France, et de 43 pour 1000 au Cambodge. Il faut remonter aux années 1950-1955 pour retrouver un taux comparable en France. On pourrait donc dire que, dans ce domaine précis, le Cambodge a plus de 60 ans de retard... En cause, la pauvreté, les infrastructures de santé défaillante, la corruption endémique... 

 

D'ailleurs à ce sujet, il s'est passé un petit "événement" ces dernières semaines : le Premier Ministre Hun Sen s'est blessé à l'épaule en jouant au golfe (il aime beaucoup ce sport, comme ce cher Donald Trump...). Et pour soigner son épaule, comme tous les riches dans ce pays, il est allé se faire soigner à l'étranger (en l’occurrence, à Singapour). Et cela n'a choqué personne ! Cet homme est au pouvoir ici depuis 34 ans, et il n'a toujours pas réussi à mettre sur pied un système de santé dans lequel il pourrait avoir confiance pour se soigner lui-même ! Quel immense aveu d'échec ! Mais rassurez-vous, une ONG a évalué sa fortune personnelle à plus d'un milliard de dollars... accumulés sur la même période d'ailleurs... Tiens, et si pendant ces 34 ans, le pays avait pu investir cet argent dans le système de santé, plutôt que de gonfler les poches du Premier Ministre...??? Évidemment, une telle fortune est sans rapport avec le salaire officiel de Premier Ministre qui, bien que confortable (environ 1200€/mois), ne pourrait permettre une telle accumulation... Il faut dire que la famille du Premier Ministre (véritable "clan mafieux") a le contrôle de la plus grande partie de l'économie privée du pays... sans parler des dessous de table, de la corruption, de l'impunité totale, des abus de pouvoir,...

 

Mais revenons à la vie paroissiale ! J'ai aussi actuellement plusieurs couples qui se préparent au mariage, notamment en suivant la préparation faite par une des religieuses de la paroisse. Le prochain mariage sera à la fin du mois d'août...

 

Cette semaine a aussi été marquée par le décès de 2 paroissiens : un homme d'une cinquantaine d'années, et une femme de presque 80 ans (ce qui est ici très âgé, l'espérance de vie n'étant que de 65 ans), maman de l'organiste de l'église. Ici, le climat fait qu'on va très vite entre le décès et l'enterrement, ou la crémation, car le corps est généralement gardé à la maison, sans possibilité de réfrigération. Ce qui fait que le passage par l'église n'est pas toujours possible. Sur ces 2 décès, je n'ai pu célébrer qu'une sépulture, celle de la femme âgée, que j'ai faite ce matin à 7h... ma première au Cambodge. Depuis mon arrivée sur les deux paroisses, il y a eu 4 décès dans la communauté chrétienne, et c'est la seule sépulture que l'on m'a demandée. Ici, généralement, le prêtre est appelé pour aller prier au moment de la mise en bière et/ou pour une veillée de prière. Parfois, il n'y a que cela. C'est vraiment impressionnant d'arriver dans une maison, avec dans la rue et tout autour plusieurs dizaines de personnes qui attendent pour se joindre à la prière. Ici, tout se fait en public ! Pour la personne âgée, je suis arrivé en même temps que le cercueil, qui venait d'être terminé par le menuisier du coin, qui habit à 50 mètre de la maison de la défunte ! Les membres de la famille du défunt sont généralement habillés en blanc (il y a des vêtements spéciaux qu'on enfile par-dessus sa tenue) ou porte un bandeau blanc sur le front. C'est en tout cas la coutume dans les communautés vietnamiennes. 

 

Pour l'une des personnes, il s'agissait d'un suicide, et je ne l'ai appris que plusieurs jours après le décès et la sépulture... on ne parle pas de ça au prêtre, car c'est ici encore très tabou... Je crois qu'il y a eu une veillée funèbre, et que le lendemain il a été enterré discrètement.

 

Voilà pour ce partage du lundi matin ! Bonne semaine à tous !