"Faisons de Noël la fête de la fraternité et de la rencontre"
Le mouvement de contestation sociale qui traverse notre pays depuis plusieurs semaines nous le montre : nous vivons dans une société où l’aspiration à la justice et à la fraternité n’a jamais été aussi intense. Ces derniers jours, la colère est montée d’un cran, expression d’un mal-être collectif qui a pu prendre, ici ou là, les traits les plus durs de l’exaspération et de la violence.
Il y a, bien sûr, la situation d’insécurité économique qui pèse au quotidien sur un grand nombre de familles. Comment espérer encore lorsque le chômage s’installe durablement, que le travail n’est plus rémunérateur et que trop de contraintes budgétaires empêchent de vivre décemment ? Beaucoup ont l’impression de ne compter pour personne, de n’être que des pions sur un échiquier économique et politique remis entre les mains de quelques décideurs. Ce sentiment d’injustice s’accroît quand il semble évident que les avantages ne profitent qu’aux plus riches. Les populations rurales, en particulier, se sentent abandonnées, otages d’un processus de mondialisation sans régulation éthique que plus personne ne semble pouvoir maîtriser.
Mais la crise que nous vivons est en réalité plus profonde. Elle traduit ni plus ni moins un besoin de reconnaissance et d’humanité auquel chaque citoyen a droit, quel que soit son rang social. Elle est un appel à construire une société plus solidaire et plus fraternelle : une société qui ne soit plus régie par la seule logique du profit et de la rentabilité ; une société où le culte de la performance, de la compétition n’impose plus sa loi tyrannique ; une société où les plus petits, les plus fragiles retrouvent leur place au milieu de tous : c’est à la résistance du maillon le plus faible que l’on mesure la force d’une chaîne.
Le moment est venu de nous mettre ensemble si nous ne voulons pas que le découragement et la résignation l’emportent, au risque d’accroître davantage encore les fractures existantes. Nous avons tous quelque chose à dire ou à faire pour changer ce monde individualiste en un monde de fraternité et d’amour. Le synode diocésain « Tu as du prix à mes yeux » est une opportunité à saisir en ce sens. Il s’offre comme un espace de dialogue et de concertation où chacun peut s’exprimer dans l’écoute respectueuse des convictions de chacun.
En cette fête de Noël, un petit enfant nous tend ses deux bras. C’est Jésus dont le nom signifie « Dieu sauve ». Il naît pauvre parmi les pauvres pour nous dire sa proximité d’amour. Il nous apporte sa paix et sa joie. Vivons à plein cette trêve de fin d’année. Mais ne soyons pas de ceux qui festoient dans l’indifférence des drames qui se vivent à leur porte. Pensons, en particulier, aux récentes victimes du terrorisme aveugle à Strasbourg. Faisons de Noël la fête de la fraternité et de la rencontre !
+ Thierry Scherrer
Évêque de Laval