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Eglises d'Asie | Itinéraire du Père Suon Hang-ly : une histoire cambodgienne

Pierre Suon Hang-ly est Cambodgien. Né en 1971 au village de Kbal Koh (ce village a aujourd’hui disparu à cause du Mékong qui grignote le terrain) dans la province de Kandal, sur la rive du Mékong opposée à Phnom Penh, il est prêtre de l’Eglise catholique depuis le 9 décembre 2001. Arrivé à Paris en 2007 pour y faire des études, il retournera cette année dans son pays.

 

Son témoignage, exceptionnel, donne à voir la vie d’un Cambodgien qui a traversé tout jeune enfant la guerre, le régime des Khmers rouges puis l’occupation vietnamienne. Il donne à voir son périple, des confins de son pays aux camps de réfugiés en Thaïlande, puis son retour au Cambodge. Il donne à voir son cheminement spirituel, du bouddhisme vécu auprès de son père à sa conversion au christianisme et à l’appel au sacerdoce.

 

Un témoignage rare, recueilli à Paris au printemps 2015 par le P. Bernard Jacquel, MEP, et paru initialement dans la Revue MEP (n° 505 et 506 de mai et juin 2015).

« J’avais 4 ans quand les Khmers rouges sont arrivés au pouvoir. Tous les habitants de Kbal Koh, le village dont je suis originaire, ont été déplacés. Ma famille a dû se rendre dans le district de Phnom Srok, au village de Nam Tao, près de la frontière thaïlandaise.

Nous étions quatre enfants, tous des garçons, j’étais le plus jeune, l’aîné de mes frères avait 14 ans, le second en avait 12 et le troisième 8. Mes grands-parents qui vivaient avec l’une de mes tantes dans une autre maison du village étaient avec nous, une autre famille faisait partie du même convoi, nous devions être une vingtaine de personnes à partir dans cette direction tandis que les autres villageois étaient envoyés ailleurs. Nous, nous avons pris le train qui de Phnom Penh rejoignait Sway Sisophon en passant par Pursat et Battambang.

De ce qui nous est arrivé, je n’ai pratiquement jamais parlé, certains missionnaires m’avaient pourtant suggéré de le mettre par écrit, mais je n’ai jamais voulu le faire… J’étais un enfant trop petit pour comprendre et pour avoir peur de ce qui se passait du moment que mes parents et mes aînés prenaient soin de moi. Ce dont je me souviens ne forme pas une histoire suivie mais se rappelle à moi à travers quelques images. La peur, je ne l’ai connue que plus tard.

Nous laissions donc notre village en n’emportant que peu de choses avec nous. Mon père, je l’ai su plus tard, avait fait disparaître certains papiers qui auraient pu le compromettre aux yeux du nouveau pouvoir. Comme il était pêcheur, il avait emporté son carrelet.

Quand nous sommes arrivés à destination, on nous a attribué une maison dans un hameau : elle n’était pas neuve ; elles avaient été habitées comme toutes ses voisines mais leurs occupants, tout comme nous, avaient été envoyés ailleurs. Nous allions devoir vivre là pendant trois ans huit mois et vingt jours…

Très vite, mes trois frères aînés ont dû partir, affectés à une autre unité de travail je ne sais où et je suis resté seul avec mes parents.

De ces premiers jours je me rappelle seulement un grand préau où on avait rassemblé une foule d’enfants. Combien étions-nous, je ne saurais le dire, plusieurs centaine de petits. Il y avait un tableau noir, je ne le voyais que de loin par dessus la tête des autres… Quelqu’un y a écrit ou dessiné quelque chose, je serais bien en peine de dire quoi… On nous a parlé longtemps et je n’ai rien compris à ce qui se disait, j’étais trop petit et perdu au milieu de tous ces enfants, je n’avais envie ni d’écouter ni de regarder quoi que ce soit. Il n’y a pas eu d’autres rassemblements du même genre ; après, on nous a donné du travail.

Nous partions en groupe en forêt pour couper une herbe à longue tige qu’on appelle antrean khet, nous la coupions en tronçons et on la mettait dans de grandes fosses où elle pourrissait pour fournir de l’engrais.

 

La faim, la peur au ventre

Je me rappelle aussi les travaux de la moisson du riz – de novembre à mars où nous allions aider à rassembler les épis, et l’une de mes frayeurs : un jour avec quelques gamins de mon âge, nous avons ramassé en cachette des épis qui traînaient dans la rizière après la récolte et j’ai vu arriver des soldats, des enfants de 13 ans armés de fusils, je tremblais de peur et nous sommes allés nous cacher dans des buissons. Nous avions faim.

Au début de notre séjour, nous avions reçu une mesure de riz par jour, ce qui suffisait à notre famille, mais un peu plus tard, cette mesure avait été réduite de moitié, et plus tard encore nous ne recevions plus rien du tout, les repas étaient devenus collectifs… Il y avait des champs autour de la maison, du riz, du manioc mais il était interdit d’y toucher… Nous allions chaparder quelquefois.

Mes parents partent le matin au lever du jour et sont absents toute la journée, occupés à des travaux collectifs dont j’ignore tout. Au Cambodge, proche de l’équateur, la durée des jours et des nuits est à peu près égale tout au long de l’année. Ils reviennent un peu avant la nuit, vers cinq heures et demie. Les repas du soir aussi sont devenus collectifs : on les prend sous un préau. Ma mère, pendant les deux premières années, faisait partie des cuisinières, elle faisait attention à moi et j’ai eu plus de chance que bien d’autres à ce moment-là.

La deuxième année, on mange encore le soir en famille. La dernière année, midi et soir, on n’avait plus qu’une soupe de riz salée et nous rentrions à la maison avec la faim au ventre ; une fois chez nous, nous partagions le peu de nourriture que mes parents avaient pu trouver durant la journée.

Je me rappelle un de ces repas du soir, à l’époque où les rations de riz étaient devenues insuffisantes. J’ai fini ma part, mais j’ai encore faim : ma mère me donne de la sienne.

Mon père va puiser de l’eau à la mare. Il réussit à rapporter, sans se faire voir, des pastèques qui poussaient là au milieu… Je suis en train d’en manger, j’en ai la bouche pleine, quelqu’un vient à notre porte : pris de panique à l’idée que nous soyons découverts, je veux avaler ma bouchée et je m’étrangle… il faut attendre que le visiteur s’éloigne pour que ma mère accoure et glisse son index au fond de ma gorge.

La nuit, la maison n’est éclairée que d’une seule lampe à huile de poisson : c’est un vieux petit bol ébréché avec un peu d’huile de poisson, d’où émerge la mèche. Quand on a fini de manger, je vais dormir sur le bat-flanc. Mes grands-parents et ma tante vivent dans une maison voisine de la nôtre…

Que faisaient mes grands-parents pendant la journée ? Je ne m’en souviens pas. Je me revois un soir aller porter des feuilles de bétel à ma grand-mère qui chiquait ! On se voyait les uns chez les autres avant que le soleil se couche mais après chacun restait chez soi.

Tous les jours sont pareils. Il y a des fêtes nationales : ces jours-là, on fait de la musique et du théâtre, mais rien qui me fasse vraiment envie comme une fête qu’on attend. Je ne savais pas grand chose des fêtes.

La dernière année, mon frère avait été pris par des soldats en train de ramasser des pousses de manioc ; elles avaient été arrachées en bottes dans un champ voisin par des gens qui en avaient laissé tomber une partie sur leur chemin : mon frère avait été tabassé et s’était enfui. Après cela, il est resté caché dans un manguier et je me revois allant lui apporter de la nourriture, il reste caché jusqu’à l’arrivée des Vietnamiens qui ont mis fin à notre exil.

Maintenant, nous sommes « libres », nous allons pouvoir retourner chez nous ! Mais avant de partir, mon père et mes deux aînés qui ont maintenant 17 et 15 ans vont régler leurs comptes avec celui qui jusque-là a été le chef du village et qui maintenant n’était plus rien ! Trois ans plus tôt, mon père avait emporté de chez nous les quelques affaires que nous avions pu prendre : son filet de pêche, vous savez, ce carrelet que le pêcheur une fois entré dans l’eau déploie devant lui… Le chef du village avait réquisitionné et détenait chez lui ce précieux outil de travail qui en route allait nous être bien utile.

 

Le retour

Nous avons rassemblé nos affaires et un matin nous sommes partis, mes parents, mes frères et moi, ma tante et mes grands-parents et d’autres gens encore. Nous quittons le village par un petit chemin de terre, nos ballots sur le dos, nos hardes, nos nattes, des seaux et un peu de vaisselle. Et le filet… Il fallait aussi porter les grands-parents…Et faire très attention : on entendait le bruit des bombardements et des armes, nous devions souvent nous cacher dans les fossés près des rizières. J’ai vu des cadavres le long du chemin.

Nous avons ainsi rejoint la route nationale où, à cette époque de guerre et de débandade, il y avait de la circulation. Les adultes ont fabriqué des chariots avec ce qu’ils ont trouvé aux alentours : des roues, des planches, nous avons mis nos affaires dessus et en route… Nos familles se sont séparées : ma tante et mes grands-parents sont partis de leur côté et nous du nôtre. On m’a mis sur le chariot avec les affaires et les quatre hommes de la famille se mettaient tour à tour dans les brancards pour tirer. Le soir, on bivouaque, on dort à proximité de la route, le filet de mon père est un précieux atout, il y a de l’eau et des poissons partout au Cambodge ! Ma mère, qui avait réussi à cacher quelques bijoux pendant notre exil, s’en sert comme monnaie d’échange. Il n’y a pas d’autre monnaie en circulation à cette époque-là ; quelquefois, on mendie.

Nous sommes ainsi allés à pieds des abords de la frontière thaïe jusqu’à Siem Reap. Ma mère avait les pieds tout écorchés à force de cheminer sur l’asphalte. Nous avons dormi plusieurs nuits à proximité des douves d’Angkor Vat où nous allions à la pêche… Mes frères faisaient de la récupération, ils ramassaient tout ce qu’ils trouvaient et pouvait s’échanger contre de la nourriture. Avec mes frères, j’ai découvert les temples : je vois encore courir les Viêts de haut en bas des marches escarpées du sanctuaire central d’Angkor Vat ! Moi, avec mes petites pattes, j’avais peur de m’y aventurer !

Nous avons repris la route après une ou deux semaines. Nous avons été pris en charge par des soldats Viêts qui nous ont conduits en camion jusqu’à Kompong Thom.

De tout cela, je crois que pas plus mes frères que mes parents n’ont jamais raconté grand chose… Des années plus tard, en 2004, avec mes frères, j’ai eu l’occasion de retourner à Siem Reap et de remonter jusqu’à la frontière, jusqu’au village où nous avions vécu, nous n’avons pas retrouvé notre maison d’exil mais nous avons retrouvé deux familles que nous avions connues, et là, pour la première fois – j’avais donc plus de trente ans d’âge – j’entendais parler des événements qui avaient bouleversé notre vie. Vous me poussez à vous en parler à mon tour. Des missionnaires MEP m’avaient demandé eux aussi d’écrire ce qui nous était arrivé mais jamais je n’avais voulu en écrire une ligne !

Nous sommes donc arrivés en camion à Phnom Penh. C’était l’année 1980. Nous avons vécu trois mois dans le quartier de Boeug Tompong. Nous nous sommes fabriqués une maison avec des planches et des tôles ondulées ramassées ici et là. Mes frères sillonnaient la ville pour ramasser ce qui traînait : les vieilles machines à coudre étaient très recherchées, les pendules aussi ! Encore fallait-il qu’ils ne se montrent pas trop car les Viêts s’étaient réservé le secteur de la récupération. Ces trouvailles s’échangeaient contre du maïs, du blé. Mais le riz était rare. Nous ne mangions pas à notre faim, nous étions faibles. Je restais souvent assis dans un coin, las, anémié.

Nous avons eu la variole, mes frères et moi, nous allions nous plonger dans le marigot pour calmer notre fièvre et nos démangeaisons. C’est à ce moment-là que j’ai appris à nager. Un jour, j’ai dû avaler une potion qui, paraît-il, devait me guérir : elle était faite de vers de terre et de feuilles de la plante qu’on appelle « langue d’éléphant » le tout pilé avec de l’eau…

Il y avait une île en face de Phnom Penh, sur le Mékong, Chbar Ampov (‘le champ de canne à sucre’) qui est aussi le nom d’un marché. Nous avons traversé avec nos hardes et nos planches. Là, mon père va à la pêche, ma mère vend le poisson en échange d’autres nourritures. Après trois mois, nous décidons de gagner l’autre rive du Mékong et de retourner nous établir dans notre village, à Kbal Koh, d’où nous étions partis en 1975. Nous avons assemblé toutes les planches que nous avons pu pour fabriquer un radeau, nous avons mis dessus toutes nos affaires. Mes frères avaient trouvé de l’aide et des nageurs pour pousser notre embarcation à travers le fleuve et la guider dans sa traversée ; ce devait être en mars ou avril 1981, quand les eaux sont calmes, que le courant n’est pas trop fort.

Arrivés au village, nous n’avons pas pu récupérer ce qui nous avait appartenu et ni terrain ni maison n’étaient disponibles pour nous établir… Alors nous avons repris notre lente navigation en remontant le fleuve jusqu’au village de Pôthom. Là, le chef du village nous a attribué une maison et un petit terrain autour ainsi que deux petites rizières insuffisantes pour nos besoins, mais nous nous sommes mis à cultiver quelques légumes, nous avions des poules qui couraient autour de la maison ; ma mère ne vend pas leurs œufs, elle les leur laisse couver, elle ne vend que la volaille. Elle fabrique aussi pour les vendre, des nouilles nombagnchok, à base de riz… Elle s’est procuré une vieille machine à coudre qui lui sert bien.

Je suis allé pour la première fois à l’école alors que j’avais 8 ans passés. Nous n’avions classe que le matin… Pour la première fois, j’ai ouvert un livre (sous le régime des Khmers rouges, on n’en voyait plus aucun). J’ai enfin appris à écrire ma langue.

Et c’est à cette époque qu’on a vu se rétablir l’usage de la monnaie. Mon père, pendant tout un temps, vend de la glace pilée : il a un appareil à manivelle, elle réduit la glace en paillettes, ça fait un petit tas qu’on arrose de sirop, les enfants aiment ça et en achètent pour quelques riels.

Il s’occupe de la rizière : semailles en décembre, repiquage en janvier et moisson en mai et juin. C’est une région où on plante du riz par période de trois mois ; par contre, dans beaucoup de provinces du pays, on commence les semailles en juin et juillet, repiquage en août- septembre, moisson à partir de novembre. Quant à la pêche dans le Mékong, c’est également une activité saisonnière, de décembre à mars, mais même en saison on ne pêche que quinze jours d’affilé dans le mois. Nous pêchons aussi dans les lacs, on peut y pécher tout le temps. En période de hautes eaux, quand l’eau forme de vrais lacs, on prend une barque ; en basses eaux, on va à pieds d’un point d’eau à un autre. On met les filets en place dans l’après-midi et on va les retirer vers trois ou quatre heures du matin. Au petit matin, on va vendre le poisson au marché. Il m’est arrivé ainsi de passer la nuit tout seul sur ma barque, c’était plus tard.

Mon frère aîné est parti. Nous sommes en 1982, la période est trouble, nous vivons sous le régime des Viêts qui occupent notre pays, qui combattent les Khmers rouges et qui nous imposent des règlements humiliants : par exemple, il nous est interdit de faire et d’écouter notre musique traditionnelle. L’Histoire qu’on nous enseigne est celle du communisme. Pour les études supérieures, c’est en vietnamien ou en russe uniquement qu’elles se font. Mon frère aîné est trop âgé pour aller à l’école et il est alors soumis au service militaire ; il doit aller faire la guerre dans l’armée vietnamienne. Pour y échapper, il se cache. Il passera la frontière, ira se réfugier dans un camp en Thaïlande. Il y restera jusqu’en 1992.

Le second de mes frères est allé à l’école, mais, en 1987, il a fini ses études et il est soumis également au service militaire. Il est assez malin pour éviter d’aller faire la guerre avec les Vietnamiens ; il apprend à conduire et devient chauffeur de camion.

Mon troisième frère quitte l’école à son tour en 1988. Des trois, c’est le plus débrouillard. Tout comme le second, il ne s’éloignera pas de Phnom Penh. Ils auront la possibilité de revenir assez souvent à la maison où ils continuent d’aider nos parents. Je travaille bien sûr avec eux depuis plusieurs années. En 1989, j’ai mon certificat de fin d’études, je quitte l’école. J’ai 19 ans. Je vais moi aussi faire ma vie.

Depuis que nous sommes libres chez nous, nous pouvons exprimer notre appartenance religieuse au grand jour et reprendre nos pratiques traditionnelles. C’est pour moi une découverte que ce monde de la religion entièrement réprimée sous le régime des Khmers rouges. J’ai observé, depuis que nous sommes rentrés chez nous, les usages de la pagode. Je suis Khmer et donc bouddhiste. Pour acquérir des mérites, je fais les offrandes matinales aux bonzes. J’ai appris tout cela. Un jour, ma mère me recommande d’aller à l’église. J’apprends qu’elle est chrétienne, que je suis moi-même baptisé, que mon frère aîné l’est également (tandis que les deux cadets ne le sont pas). Y a-t-il, me demandé-je, une religion qui puisse égaler le bouddhisme en importance ?

Il faut se souvenir que le régime des Khmers rouges sous lequel j’avais grandi avait supprimé toute activité, toute manifestation, tout signe religieux : les pagodes – chaque village a la sienne – avaient été affectées à des usages profanes (stockage du riz, lieu de rassemblement) ; les bonzes avaient été embrigadés comme le reste de la population dans des unités de travail et avaient disparu de notre paysage. Ce fut seulement à partir de 1982 qu’on revit leurs toges safran. Moi qui n’en avais gardé aucun souvenir, je les découvrais ainsi que la place traditionnelle, centrale, de la pagode parmi nos enclos. Mon père avait recommencé à pratiquer sa religion et je le suivais à la pagode. Ainsi je devins simplement et comme naturellement un bouddhiste fidèle et je n’imaginais pas un instant de devenir autre chose…

 

Chrétien

En 1989, un prêtre américain des Maryknoll – venu au Cambodge au sein de l’une des nombreuses ONG qui s’efforçaient de soulager la misère du pays et qui parlait khmer – venait dire la messe dans une paroisse viêt proche de chez nous. On voyait aussi, paraît-il, deux catéchistes, des Khmers – j’ai appris plus tard qu’ils étaient envoyés par Emile Destombes (MEP). Ma mère ainsi que ma tante les connaissaient et, se rappelant les pratiques de leur foi chrétienne, avaient sans que j’y prenne garde repris le chemin de l’église. C’est à ce moment-là que ma mère m’apprit que j’étais baptisé et me poussa à m’y rendre moi-même. Il y avait tout au plus un kilomètre à faire pour cela.

C’est ainsi que j’ai connu les chrétiens et compris que je leur appartenais. Je m’étais fait connaître comme l’un des leurs sans savoir exactement ce que voulait dire être baptisé, et j’ai suivi régulièrement un catéchisme… En fait, il n’y avait pas de bâtiment d’église, juste une maison comme les autres où se tenaient les assemblées, avec les Viêts qui disaient les prières dans leur langue. Mais la messe se célébrait en khmer.

L’année suivante, en 1990, la communauté des chrétiens du Cambodge put enfin exprimer publiquement et librement son adhésion à l’Eglise : pour la première fois depuis 1975, elle a pu se réunir en nombre, le jour de Pâques de cette année-là. Comme tous les lieux de culte chrétiens avaient été systématiquement détruits par les Khmers rouges et les très rares restés debout avaient été spoliés, cette grand-messe de Pâques nous rassembla dans une salle de cinéma empruntée pour la circonstance. Je me rappelle ma joie de ce jour-là. J’avais reçu peu de temps auparavant le sacrement de réconciliation et communié pour la première fois.

Mais à Noël 1990, comme je quittais la paroisse et la fête après la messe de la nuit (je me souviens qu’on nous avait projeté une vidéo, grande attraction pour nous tous !), j’ai été arrêté par des soldats. Ils m’ont emmenés, coincé entre deux d’entre eux sur une pétrolette, jusqu’à une caserne, un centre d’entraînement. J’y ai été enfermé trois jours avec d’autres qui avaient été raflés tout comme moi. Ainsi j’étais pris et bon pour le service militaire dans l’armée viêt.

Comme je vous l’ai dit, le second et le troisième de mes frères Ros Sochea et Ros Sichoeun étaient soldats : ils se sont arrangés pour me faire libérer. Ros Sichoeun connaissait quelqu’un à Chrui Changwar, la pointe de terre en face de Phnom Penh où se rejoignent le cours du Mékong et du Bassac. Cet homme-là était fonctionnaire : c’est à lui qu’on m’a confié pour une opération risquée… Il s’agissait ni plus ni moins que de me faire passer clandestinement en Thaïlande, tout comme mon frère aîné qui s’y trouvait réfugié depuis 1982 et dont nous n’avions depuis aucune nouvelle.

 

Fugitif

Voici comment je suis parti. Ma mère m’avait donné de l’argent pour payer les passeurs et subvenir à mes besoins : 40 dollars américains, ce qui représentait une belle somme : pour ce prix-là, on pouvait s’acheter une machine à piler la glace et gager sa vie avec ! ou encore nourrir toute une famille pendant un mois.

Le fonctionnaire que Ros Sichoeun connaît m’accompagnera jusqu’à la frontière. Nous nous rendons à la gare de Phnom Penh, nous prenons le train qui, à vitesse très lente, nous amène à Pursat, à 160 km. Il fait nuit quand nous arrivons. Au petit matin suivant, on nous fait monter à l’arrière d’un camion bâché. Nous sommes tout un groupe entassé là-dedans, nous allons en Thaïlande pour des motifs divers, la plupart pour y faire des affaires, quelques-uns comme moi cherchant à fuir leur pays sous domination viêt… J’avais la peur au ventre et je priais, faisant le vœu de servir l’Eglise… Les routes étaient défoncées et il nous a fallu encore une journée complète pour aller de Pursat à Battambang, à 120 km environ. Là, mon guide me conduit chez un autre fonctionnaire qu’il connaît et nous passons la nuit. Le jour d’après, nous reprenons le train qui nous amènera près de la frontière, à Svay Sisophon où nous arrivons un peu avant la nuit : ce jour-là, nous avons fait environ 80 km. A la descente du train, nous prenons une carriole à cheval et nous arrivons au village de Nimet pour la nuit. Je trouve là une dizaine de personnes qui tout comme moi se préparent à passer clandestinement en Thaïlande et à rejoindre les camps de réfugiés.

Le lendemain matin, je me vois enturbanné de mon krama (foulard en coton typique du Cambodge), une palanche à l’épaule, à transporter des corbeilles de poissons séchés… Je peux passer facilement pour l’un de ces paysans qui essaient de vendre comme ils peuvent leurs produits le long des chemins. Notre petite troupe marche à la queue leu-leu… Dans ce temps de précarité et de débrouille, nos dégaines ne peuvent surprendre personne… Nous allons ainsi toute la journée, sur une piste dont nous prenons grand soin de ne pas nous écarter car les terrains dans la région sont infestés de mines… Quelquefois on rencontre un soldat, il nous arrête et nous laisse passer moyennant le tribut de quelques cigarettes.

Nous arrivons ainsi à la frontière. Là, une femme me repère qui connaît ma famille et me reçoit chez elle. C’est à ce moment-là que mon guide depuis Phnom Penh me quitte et poursuit sa route. Je vais passer toute la journée dans ce hameau tranquille. Ma protectrice m’a trouvé une place à bord d’un véhicule avec les autres réfugiés. Un camion bâché vient nous prendre à la nuit tombée ; nous y restons debout à l’arrière accrochés des deux mains aux barres du plafond. Le passage de la frontière se fait sans difficulté. Nous débarquons en Thaïlande en pleine nuit, au camp de réfugiés de Site II. C’était dans les premiers jours d’avril 1991.

 

Réfugié

Un homme m’accueille d’abord chez lui pour le reste de la nuit. Le matin, je découvre le camp, le fouillis à perte de vue de centaines de cabanes de bambou et de feuillages… Je vais recherche mon frère. Moyennant un peu de monnaie – j’avais pu échanger quelques-uns des dollars de ma mère contre de la monnaie thaïe –, je me fais transporter d’une venelle à l’autre, sur le porte-bagage d’un vélo. Je finis par tomber sur quelqu’un qui connaît l’un de mes cousins appartenant au comité d’entraide dans l’une des paroisses du camp. Et c’est ainsi, à la fin de la journée, que je vois arriver sur leur vélo mon frère que je n’avais revu depuis presque dix ans et sa femme, ma belle-sœur. Il m’emporte sur son porte-bagage.

On m’a donné des bons d’achat qui me permettent d’avoir de la nourriture. Qu’est-ce que je fais au long de ces premiers jours ? Le matin, j’aide à la corvée d’eau, je fends du bois pour le feu domestique, bref, j’essaie de me rendre utile à la maison ; ma belle-sœur m’emmène pour me présenter aux gens qu’elle connaît. Pendant ce temps-là, mon frère gagne un peu d’argent en faisant le vélo-taxi. Et puis je me rends dans l’une des deux paroisses du camp, celle de Nongchian.

C’est trois mois plus tard que je fais la connaissance de Bernard Dupraz, un prêtre fidei donum du diocèse de Chambéry ; par son intermédiaire, je vais bientôt rencontrer les Pères Robert Venet et François Ponchaud (MEP) et Sœur Gilberte… Avec eux travaille un séminariste, David : il m’apprendra mes tout premiers mots de français… Tout ce monde vit ordinairement à quelque distance du camp, à Aragn, à une heure de voiture. Nous, nous ne pouvons pas sortir du camp qui est ceint de barbelés, mais eux ils viennent régulièrement parmi nous et c’est par leur intermédiaire qu’on a des nouvelles de l’extérieur mais pas du Cambodge.

 

Vocation

« J’ai entendu dire que vous aimeriez devenir prêtre » : c’est la deuxième fois qu’on me fait cette réflexion à peu près dans les mêmes termes ! La première fois, c’était ma tante, au Cambodge, et la seconde ici, au camp. Prêtre ? A ce moment-là, je n’y pensais pas et cette curiosité me paraissait déplacée. Pourtant je ne pouvais plus faire taire la question, elle me revenait sans cesse. Au bout de trois mois, c’était en août, il m’a semblé que je pouvais répondre.

C’est ainsi qu’en septembre, ayant déclaré mon intention, je fais la connaissance de Vothi, qui lui aussi pensait au sacerdoce. Nous avons fait ensemble une cabane de bambou qui nous servait à tous les deux. Lui, il travaillait au camp, dans une association des Pères de Maryknoll, qui s’occupait des personnes âgées. Moi, je continuais à étudier le français grâce à un autre réfugié qui me l’enseignait et puis j’étais bien engagé à la paroisse : je faisais du catéchisme, j’animais la liturgie, y compris en l’absence de prêtre, je me suis mis aussi à commenter l’Evangile… Cette expérience de prédicateur ne m’a pas toujours fait que des amis ! Il m’est arrivé de reprocher à la communauté son comportement quand les dimanches où le prêtre ne pouvait venir, beaucoup de ses membres négligeaient de se rassembler ! Ou de reprocher au comité d’entraide son manque d’équité… Et tout ça ne plaisait pas non plus à mon frère.

 

Libre !

En novembre, notre cabane a reçu un nouvel occupant, Paul Lay. Nous resterons ensemble jusqu’en avril de l’année suivante, c’est-à-dire jusqu’au jour où il nous a enfin été permis de rentrer chez nous, après les accords de Paris sur le Cambodge : nous étions libre. Nous pouvions enfin rentrer libres chez nous ; nous sommes alors partis tous les trois et nous avons fait route comme nous avons pu jusqu’à Battambang : nous y étions pour Chaul Chnam Thmey, les trois jours du Nouvel An khmer, du 13 au 15 avril. C’était la fête !

Puis nous rendons à Phnom Penh où nous sommes reçus par le P. Emile Destombes à la Caritas Cambodge, près du stade olympique. C’est à ce moment là que Vothi nous quitte… Viney se joint à nous un peu plus tard.

Peu de temps après, nous sommes de retour à Battambang où est affecté Bernard Dupraz, qui reste notre responsable. Nous louons une maison, David est là aussi avec Sœur Gilberte.

 

Le temps du séminaire

En 1993, Unson se joint à notre groupe : il revenait du Canada où il avait réussi à se réfugier depuis la Thaïlande, peu après l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges, et là, pendant trois ans, il avait été bonze. Ensuite, il était parti pour le Canada où il avait reçu le baptême. Et voilà que lui aussi pensait à devenir prêtre… C’est ainsi qu’a commencé notre séminaire : David nous enseignait le français et la musique. Bernard Dupraz assurait la direction spirituelle. Nous n’avions pas de livres : Bernard utilisait sa bibliothèque et traduisait pour nous des passages du Concile Vatican II.

Cette année-là, Gilberte part pour Phnom Penh. David était retourné en France et avait été remplacé par d’autres volontaires qui avaient pris sa succession auprès de nous.

En 1994, nous déménageons dans l’ancienne maison des Sœurs de la Providence de Portieux, qui avait été confisquée et que l’Eglise a rachetée.

En 1995, Sok et Sokly partagent notre existence : nous sommes six séminaristes.

Les cours s’organisent : Bernard Dupraz nous enseigne la théologie, François Ponchaud l’Ecriture Sainte, un jésuite, Jean-Marie Bersain, assure la formation générale et la philosophie… Un professeur laïc vient nous donner des cours de biologie.

La messe quotidienne est à 6 heures. Le matin, nous allons faire les courses au marché. Pour tenir la maison, nous formons trois binômes qui prennent leur tour de semaine : préparation des repas, vaisselle et nettoyage. Les cours ont lieu de 9 à 11 h.

Les samedis et dimanches, chacun de son côté, nous allons dans les communautés chrétiennes : nous faisons du catéchisme aux enfants, rencontrons les catéchumènes adultes ; il nous arrive d’assurer la présidence de la prière en l’absence des prêtres et de commenter l’Evangile au cours des assemblées dominicales. Nous allons rendre visite au gens chez eux. Nous transportons des malades nécessiteux à Battambang pour les soins.

En 1996, nous sommes neuf séminaristes. Mais certains s’en vont bientôt.

En 1998, le séminaire quitte Battambang pour s’établir à Phnom Penh. C’est le P. Omer, un missionnaire colombien, qui devient notre supérieur. Le P. Bruno Cosme, MEP est le directeur spirituel… La vie nous semble à ce moment-là plus facile : nous bénéficions de 12 dollars par mois d’argent de poche et nous avons une cuisinière, alors plus de courses à faire ni de repas à préparer !

Nous disposons enfin d’un bréviaire en khmer traduit par Bruno, nous continuons aussi de le dire en français.

Les cours nous sont assurés maintenant par le P. Omer, Bruno et François Ponchaud, par le P. Ashley, un jésuite irlandais, par un Khmer, professeur à l’université qui enseigne la philo… Le Père Michel Trimaille (MEP) viendra de Paris pour des sessions sur l’Evangile de saint Marc. Nous prenons cinq heures de cours de français hebdomadaires à l’Alliance française.

Nous restons quatre au séminaire, Paul Lay, Viney, Unson et moi-même, et nous sommes ordonnés diacres en juin 2001. Ensuite, je passe six mois avec l’Ancien, Robert Venet, devenu le curé de Sihanoukville… Moi le jeune, je jouais de la guitare ce qui attirait du monde !

Nous avons été ordonnés prêtres le 9 décembre de la même année par Mgr Emile Destombes, devenu évêque de Phnom Penh en 1997 : belle et grande fête en plein-air sous de vastes auvents de toile, dans la cour de la paroisse principale de Psatouch. Je suis envoyé à Kampot pour collaborer avec le P. Olivier Schmitthaeusler dans son secteur : nous nous partagerons le travail pastoral pendant cinq ans dans les nouvelles communautés chrétiennes qui éclosent dans la région.

 

Etudiant à Paris

En 2006, Paul Lay est envoyé en France pour compléter ses études, Viney le suit l’année suivante et moi je les rejoints en 2007. Viney a des ennuis de santé et doit interrompre ses études en 2008, Paul a terminé sa maîtrise (pastorale catéchétique) en 2009 et moi je suis toujours ici ! Je retournerai cette année au Cambodge, après avoir soutenu mon mémoire de maîtrise, je suis en train d’en terminer l’écriture… c’est long et laborieux ! Mon sujet ? « L’Amour de Dieu, source de Vie chrétienne selon la spiritualité de saint François de Salle ».

 

Accompagner le travail du Bon Berger

Des Khmers se convertissent comme je l’ai fait. Parmi les nouveaux baptisés, il y en a beaucoup qui s’éloignent sans bruit de la pratique communautaire… Comment aider les Cambodgiens à approfondir la foi qu’ils ont accueillie ?

Comment, Cambodgien venu du bouddhisme, comprendre la foi de Jésus ? Comment passer de cette conception du « mérite » qui soutient la pratique des bouddhistes à l’accueil de la grâce, de cette gratuité de Dieu sans mérite de notre part ? Comment passer d’une croyance en la réincarnation qui permettrait d’envisager après cette vie-ci, une reprise meilleure de la vie, à condition qu’on la mérite, comment de cette croyance en la réincarnation passer à la foi en la résurrection ?

Comment, en khmer, parler de l’amour du Père ? Il y a des pères qui maltraitent leurs enfants, certains qui vendent leurs filles pour de l’argent : cela se voit dans un pays aussi pauvre, aussi éprouvé que le mien. La conscience culpabilisante du jeu, du vol m’est venue assez tôt en raison de la vie que j’ai dû mener… Les gens qu’on abandonne à eux-mêmes, ceux qu’on laisse mourir comme ça, et la débrouille pour s’en tirer, la peur pour soi… Alors, à ceux qui ont cette expérience de la vie et cette mémoire, comment parler de l’amour de Dieu, source de la vie chrétienne… Comment parler d’une vie qui ne serait pas seulement une vie pour soi mais une vie pour les autres que Dieu Père aime tout autant que nous ?

Moi-même, venu dans mon adolescence à cette idée qu’il fallait accumuler des mérites, j’ai réalisé assez vite que cette accumulation n’est pas ce qui sauve… La conscience du péché avec la reconnaissance sans peur d’un Dieu qui pardonne et de la parole qui guérit – j’ai une dette envers Lui –, c’est cela qui sauve.

Enfin, dans le camp en Thaïlande, il y avait des étrangers qui prenaient soin des gens, mais pourquoi pas des Khmers aidant d’autres Khmers ? Et si on ne commence pas tout de suite, quand est-ce qu’on s’y mettra ?… C’est au camp que j’ai décidé que j’accompagnerais le travail du Bon Berger pour aider les Khmers à vivre et à suivre son bon chemin… »

Propos recueillis par le P. Bernard Jacquel, MEP

 

Brève chronologie du Cambodge (1970-1991)

18 mars 1970 : un coup d’Etat, organisé par le général Lon Nol, destitue Norodom Sihanouk, chef de l’Etat, qui s’exile à Pékin. La monarchie est abolie. La République sera proclamée le 9 octobre.

17 avril 1975 : les Khmers rouges, dirigés par Pol Pot et Khieu Samphan, entrent dans Phnom Penh et prennent le pouvoir. Ils instaurent la République démocratique du Kampuchéa et déclenchent un génocide qui fera près de 2 millions de victimes, sur une population totale de 8 millions. 

7 janvier 1979 : les Vietnamiens prennent le contrôle du pays et installent la République populaire du Kampuchéa. Les Khmers rouges prennent le maquis.

22 juin 1982 : formation d’un gouvernement de coalition en exil, antivietnamien. Présidé par Norodom Sihanouk à Pékin, et reconnu par l’ONU, il regroupe les sihanoukistes, les républicains et les Khmers rouges.

Janvier 1985 : Hun Sen est nommé Premier ministre à Phnom Penh.

Octobre 1989 : fin du retrait officiel de l’armée vietnamienne.

23 octobre 1991 : les accords de Paris, signés par les Cambodgiens, l’ONU, et 18 pays garants, placent le pays sous tutelle de l’ONU jusqu’à l’organisation d’élections libres.

 

Les accords de Paris 

Les accords de Paris sur le Cambodge du 23 octobre 1991 ont permis de mettre fin à la guerre civile entre les forces de l’Etat du Cambodge, les Khmers rouges et les autres factions de la résistance nationale cambodgienne.

Cette guerre civile débuta avec l’invasion vietnamienne du pays en 1979. Ces accords ont mis en place une autorité provisoire de l’ONU pour préparer une nouvelle Constitution et le retour de la monarchie au Cambodge.

Ils furent signés par les représentants de 18 pays et par les 12 membres du Conseil national suprême cambodgien mis en place le 17 juillet 1991 à Paris, au Centre des conférences internationales de l’avenue Kléber :

– Le Prince Norodom Sihanouk, président du Conseil national suprême

– Les représentants de l’Etat du Cambodge : Hun Sen, Dith Munty, Sin Sen, Tea Banh, Hor Namhong, Im Chhun Lim

– Les représentants des Khmers rouges : Khieu Samphân, Son Sen 

– Les représentants du Front national de libération du peuple khmer : Son Sann, Ieng Mouly

– Les sihanoukistes (FUNCINPEC) : le Prince Norodom Ranariddh

(eda/ra)