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JDD | Cambodge : la dissidence bâillonnée

Par François Clemenceau

 

Le JDD a appris que Sam Rainsy, le chef de l’opposition, serait visé par un mandat d’arrêt. La manifestation antigouvernementale qui devait avoir lieu dimanche a été interdite.

Sam Rainsy, le chef de l’opposition cambodgienne, serait visé par un mandat d'arrêt. (Reuters)
Sam Rainsy, le chef de l’opposition cambodgienne, serait visé par un mandat d'arrêt. (Reuters)

Où se trouve ce matin le chef du Parti du sauvetage national du Cambodge? Depuis samedi matin, son téléphone ne répond plus et celui de son épouse Saumura, elle-même députée, a envoyé un dernier SMS vers la France en milieu de journée samedi indiquant qu'elle s'efforçait de prévenir les ambassades étrangères à Phnom Penh. De source diplomatique, le contact n'est pas rompu avec Sam Rainsy. Selon l'un de ses proches, cet ancien ministre de 64 ans, de nationalité française également, "pourrait être entré dans la clandestinité".

 

Ce n'est pas la première fois que le pouvoir cambodgien tente d'éliminer ou d'intimider le chef de l'opposition. À de nombreuses reprises, ce dernier a trouvé refuge à l'ambassade des États-Unis ou s'est enfui. L'été dernier, gracié par le roi, il est rentré d'exil pour faire campagne. Selon les résultats officiels des élections législatives du 28 juillet, le parti du Premier ministre Hun Sen a fait son plus mauvais score depuis 15 ans avec seulement 13 sièges de plus que le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP). Or, selon Sam Rainsy, des fraudes massives ont eu lieu, provoquant "un coup d'État constitutionnel" auquel il a décidé de répondre par le boycott du Parlement et par des manifestations hebdomadaires non violentes. "Vous verrez, ils finiront par tirer sur la foule", confiait-il au JDD lors de son passage à Paris, le mois dernier.

"Le miracle ambulant"

Un scénario pessimiste qui s'est vérifié vendredi. Les manifestations ont été rejointes par les ouvriers du secteur textile qui, depuis des mois, réclament un doublement de leur salaire. Le pouvoir a décidé de tuer dans l'œuf ce qui s'apparentait à un regroupement des forces politiques et des syndicats ouvriers. Plus de 2.000 hommes des forces de sécurité ont été mobilisés et ordre a été donné de tirer à balles réelles sur la foule : quatre morts et une trentaine de blessés. Le rassemblement qui s'est tenu hier matin dans le parc de la Liberté pour protester contre la violence de la répression a été dispersé brutalement mais cette fois sans coups de feu. "Il ne s'agit rien d'autre que de casser le mouvement ouvrier et, derrière lui, celui du mouvement démocratique", commentait hier le CNRP tandis que la Ligue cambodgienne des droits de l'homme signalait la rumeur d'un mandat d'arrêt visant les chefs de l'opposition. Une rumeur "non confirmée mais prise très au sérieux" par les personnes concernées.

 

Pour le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, joint samedi après-midi, la France demande que "le dialogue politique puisse reprendre rapidement" et rappelle son attachement "au droit de manifester pacifiquement". Pas de condamnation donc, mais une forme de vigilance qui vaut aussi pour le sort de Sam Rainsy. L'homme, qui a échappé à plusieurs tentatives d'assassinat, au point de se faire surnommer par le FBI américain "le miracle ambulant", et qui a vu 80 membres de son parti éliminés physiquement, bénéficiera, selon nos informations, de toute la protection à laquelle il a droit en tant que Français.

 

Source: JDD papier