Chers amis,
Alors que j'écris ces quelques lignes, vous qui me lisez en France vous vous préparer à la fin du confinement... tout en restant prudent, car le virus est loin d'avoir disparu de France ! Ici, rien de changé. Nous n'avons officiellement plus de nouveaux cas de Covid19 depuis bientôt un mois (les derniers datent du 12 avril), mais le gouvernement ne nous donne toujours aucune perspective pour la réouverture des lieux de culte et de nos activités. Les chrétiens vivent cela de plus en plus mal, d'autant plus qu'on se rend compte que dans les villages, de nombreuses activités qui sont toujours théoriquement interdites ont repris, comme les banquets de mariage ou de funérailles, qui rassemblent plus de convives que lors de nos messes dominicales... J'avoue ne plus trop savoir quoi penser de tout cela.
Vie quotidienne, célébrations, actions
Depuis la semaine dernière, j'ai repris mon rythme d'alternance entre la paroisse St Joseph de Phnom Penh et le presbytère d'Areyksat. À Areyksat, je suis tout seul dans la maison puisque les cours n'ayant pas repris, les deux étudiants qui habitent normalement avec moi sont restés dans leur famille, d'où ils étudient en ligne, avec leur smartphone. La cuisinière-maîtresse de maison est aussi revenu travailler.
Les célébrations eucharistiques quotidiennes ont aussi repris à l'église d'Areyksat, mais toutes portes fermées, avec seulement le petit comité devenu habituel depuis le 17 mars. Il y a deux semaines, je devais célébrer deux mariages au cours d'une seule et même cérémonie. Problème, nous n'avons plus le droit aux grands rassemblements, et l'un des futurs époux est bloqué au Vietnam, puisque la frontière est toujours fermée. Je vais cependant célébrer le mariage de l'un de ces couples samedi prochain, en catimini dans l'église, avec seulement les parents, frères et sœurs des mariés, les témoins, et les religieuses. Plus tard, une fois que nous pourrons faire de nouveau des célébrations publiques, nous ferons une messe d'action de grâce, qui sera suivie du banquet de mariage. J'ai choisi cette solution pour ne pas retarder indéfiniment le début de la vie maritale de ce jeune couple de paroissiens.
Nous sommes toujours en train de réfléchir comment permettre l'accès à l'eucharistie pour les fidèles, dans les circonstances actuelles, surtout que nous n'avons aucune idée du temps que cela peut durer : quelques semaines, plusieurs mois,... jusqu'à septembre, jusqu'à Noël !!! Tout semble possible, malheureusement. Allons-nous devoir aller vers des messes domestiques, à tour de rôle dans les maisons des chrétiens ? Certains confrères ont commencé, mais quand j'ai évoqué l'idée avec les comités paroissiaux, j'ai senti une réticence assez forte : il y a des chrétiens qui trouvent que leur maison n'est pas assez belle pour accueillir la messe, d'autres qui ont peur de la contamination... Sauf pour les malades, on ne peut pas dissocier l'acte de communier de la célébration eucharistique elle-même, aussi il ne semble pas théologiquement ajusté d'aller distribuer l'eucharistie chez les gens, sans qu'il y ait participation effective à la célébration eucharistique... c'est un casse-tête. Je célèbre régulièrement le sacrement des malades, avec la communion, et la semaine prochaine je vais encore le faire avec plusieurs anciens du village. Mais si la situation n'évolue pas, est-ce que nous n'allons pas devoir porter la communion à domicile à tous les fidèles, avec le rituel de la communion en-dehors de la messe...? Au temps des Khmers rouges, des chrétiens ont fait circuler des hosties consacrées cachées dans des boîtes de pellicule photos, pour permettre à leurs frères de pouvoir recevoir le Corps du Christ...
En ce qui concerne la dimension caritative, nous avons pu mener à bien la distribution de l'aide que nous faisons habituellement 2 ou 3 fois par an, en l'occurrence cette fois-ci à l'occasion de Pâques et du Nouvel An khmer. Habituellement, nous distribuons du riz, des nouilles instantanées et du lait concentré. Cette fois-ci, j'ai souhaité que nous ajoutions du savon et des masques pour sensibiliser les familles que nous aidons aux mesures d'hygiène et de protection. À Areyksat, nous aidons une trentaine de famille, et la distribution a été faite en porte à porte (cf. photo en haut de l'article). Pour les villages de Po Thom, Kdey Kandal et Tasko, nous aidons 70 familles que nous avons invitées à venir à l'église de Po Thom pour recevoir leur colis. Contrairement à l'habitude, nous n'avons pas fait la remise un par un, mais en disposant les colis sur le sol, à bonne distance les uns des autres, pour réduire les risques de transmission. J'ai aussi pris la parole pour les inviter à la prudence, en leur rappelant la dangerosité de ce virus contre lequel nous devons vraiment nous prémunir, car une épidémie de grande ampleur au Cambodge serait catastrophique, compte-tenu de la pauvreté des moyens médicaux.
Chers amis, voilà encore de bien étranges nouvelles ! Personne n'aurait pu imaginer que nous connaîtrions une telle situation en 2020 ! En tout cas, pas moi ! Concernant mon retour en juillet août en France, rien n'est moins sûr, et pour le moment, nous n'avons aucun élément pour savoir si nous pourrons prochainement quitter le Cambodge en étant sûr de pouvoir y revenir !
Patience, patience...
À la semaine prochaine, en tout cas !